XI

Oserai-je aborder Louis-Dumas ? Celui qu'en m'endormant hier soir j'appelais Alain, mêlant son sourire à celui de ma mère... il semble m'éviter.

C'est vrai, hier d'un seul coup nous avons trop ouvert nos cœurs... Je me sens gêné, j'eusse aimé une gradation savante de confidence. Nos âmes débordantes d'une inexprimable tristesse se sont épanchées l'une dans l'autre, au point qu'aujourd'hui j'ai presque peur de cet enfant qui sait tout de moi... nous serons amis, j'en suis sûr mais il faut que s'apaise un peu le feu trop brûlant de nos aveux... une pudeur nous éloigne l'un de l'autre... en entrant chez Monsieur Robert nous nous tenons la main sans rien dire...

Quand même, qu'un autre ait souffert comme moi, qu'un autre comprenne ma détresse, c'est consolant ; pendant que M. Robert s'escrime à nous vanter ses incontournables qualités, je pense à lui, à Alain. Ce coin dans l'île...

Dans l'île ! La magie de ces syllabes prêtent une nouvelle grâce à Alain... L'île, l'endroit défendu, l'endroit mystérieux, tout plein de lianes enchevêtrées, étrange comme une forêt vierge, où je n'ai pénétré qu'une autre fois,l'autre trimestre. Je me souviens la rousseur des feuillages accentuait la barbarie du site ; dans ce paysage singulier un instant j'avais cru trouver la paix... mais non j'entendais la voix de mes plus cruels insulteurs... je passais la fin du jour caché sous les lianes englué dans la boue molle... « Bien sûr, s'ils me découvrent, ils me jetteront dans les mares, me disais-je. La peur de la nuit seule me donna le courage de partir.